La première fois où j’ai vu une crétoise aux seins nus (non, ce n’était pas sur une plage de Sitia), une Minoenne donc, comme il est convenu de dire depuis Sir Evans, j’ai ressenti un choc…
Ce n’était pas le choc du garçon qui se dit « ouah, elle a les seins nus ! », pas plus que celui de : « rinçons-nous l’œil en prétextant se cultiver ! ». Je ne sais d’ailleurs si ce fut dans ce dessin animé Il était une fois l’Homme, qui présentait les réalisations des Minoens : palais à plusieurs étages, bitume sur les rues, réseau d’eaux usées… Ou dans ce magnifique livre d’histoire illustré, offert par mes parents, et qui dévoilait donc cette Minoenne aux seins nus, et les splendides décors des palais qui surgirent dans l’île de Crète au début du deuxième millénaire avant notre ère.
En vérité, ce choc, ce fut d’abord une interrogation : de nos jours, lorsqu’une femme se dévêt, une des dernières parties de son corps qu’elle dissimule encore ce sont les seins. Il arrive aussi que, dans certaines populations dites « sauvages », ou encore dans l’Égypte antique qui ne l’était certainement pas, hommes et femmes se retrouvent quasiment nus ou presque, ce qui est généralement considéré comme une simple adaptation à la chaleur. En général, donc, lorsque les seins sont nus, c’est parce que la femme l’est aussi. Pourtant, les Crétoises minoennes étaient loin d’être dévêtues. Elles portaient une longue robe à volants, ainsi qu’un petit haut à manches courts, qui recouvrait tout le torse, sauf la poitrine. La question mystère était donc : pourquoi tout sauf la poitrine ?
Éliminons de prime abord les tentatives aussi désespérées que farfelues de réponses telles que : « les seins des Minoennes étaient trop gros, faisant ainsi sauter les attaches du bustier qui les enveloppaient ; pragmatiques, les Minoens décidèrent de laisser les amples poitrines s’épanouir au soleil, sans retenue », ou encore : « ayant poussé loin l’art médical empirique, les Minoens avaient observé que des femmes dont les seins profitent du bon air sont plus saines, et développent des enfants plus vigoureux », ce n’est pas cela non plus, bien que certains pourraient juger, dans une optique naturiste, que cette explication ne soit pas si farfelue que cela. Enfin, oublions le : « les Minoennes adoraient allaiter les enfants, cette vêture si particulière manifestait donc leur attachement à l’allaitement naturel ». C’est joli, c’est presque poétique, mais l’historien qui parviendrait à prouver cela n’est certainement pas encore né.
Néanmoins, cette dernière explication s’approche de ce qui constitua probablement la raison de ces seins libres d’exposer leur vénusté aux regards des dieux et des hommes. En effet, bien que certains semblent l’oublier dans notre civilisation si concupiscente, les seins ont pour fonction première d’allaiter. Ils expriment donc pleinement la fonction maternelle, protectrice et nourricière.
Or, ce que l’on sait de la religion minoenne (cela se réduit à peu de choses) nous indique que les déesses y occupaient une place prépondérante, laissant la portion congrue aux dieux. De fait, à cette lointaine époque, c’était l’ensemble du bassin égéen qui semblait se vouer au culte de la Grande Mère, que l’on nomme ainsi faute de connaître son nom exact. Mais peu importe en vérité. Son nom indique sa fonction première : elle est là pour protéger et nourrir ses enfants les humains. Dite aussi la Mère, ou la Grande Déesse ou la Déesse, ses seins ont donc vocation à manifester son pouvoir protecteur et nourricier. On retrouve d’ailleurs pleinement cette symbolique dans l’Artémis d’Éphèse, déesse polymaste (aux multiples seins), qui est l’héritière hellénisée de la Grande Mère asiatique (l’Asie désignant ici l’Asie Mineure).
Il est cependant encore un mystère de savoir si les Minoens adoraient une seule déesse, la Grande Déesse, dont les diverses représentations qui sont parvenues jusqu’à nous ne sont que des déclinaisons de ses pouvoirs (déesse de la fertilité, déesse des animaux sauvages, etc.) ou s’ils adoraient plusieurs déesses. Les deux systèmes pouvaient d’ailleurs se fondre : le peuple adorait plusieurs déesses, le clergé, plus « cultivé », aurait élaboré un système quasi-monothéiste (une seule Déesse qui se manifeste sous plusieurs formes) comme cela fut le cas en Égypte avec le système divin Amon-Ré-Ptah.
Quoiqu’il en soit, si cette Déesse avait les seins nus, c’était bien pour que, exposés à l’air libre, ils manifestent son pouvoir divin protecteur et nourricier. Il est même probable ou possible que le vêtement crétois, d’abord couvert au niveau de la poitrine, ait été spécialement découvert pour la Déesse, afin que cette source de fertilité ne soit pas voilée, ce qui aurait diminué sa puissance. De là, les prêtresses auraient ensuite adopté ce costume à l’exemple de la Déesse. Il ne s’agit pas d’une pure et bête imitation, ou d’un désir (mégalomane) de se prendre pour la Déesse, mais il faut savoir que prêtres et prêtresses n’ont pas pour seule fonction de prier les dieux. D’une certaine façon, par leurs nombreux actes rituels, ils ont aussi pour rôle d’interpréter la divinité (tel un rôle de théâtre, justement), de la « mimer ». En agissant ainsi ils font exister sa puissance divine dans notre monde profane (ou, exprimé différemment : ils attirent cette puissance sur ceux qui se livrent à ces actes mimétiques). Tel était le cas des prêtres égyptiens qui rejouaient la victoire d’Horus sur Seth, dans les temples d’Horus : en jouant chaque année une représentation de cette victoire du dieu royal par excellence, ils « réactivaient » sa puissance et sa bienfaisante énergie. Les représentations de la Passion du Christ (rappelons que « passion » vient d'un mot qui signifie douleur en grec) dans les pays chrétiens, n’ont, a priori, point cette fonction. Ils servent à l’édification des masses. Néanmoins, il est fort probable que, inconsciemment, nombre de participants y ressentent cette fonction qui consiste à renforcer la puissance divine bienfaisante en rejouant les actes fondateurs de son mythe, tout en s’attirant ses bonnes grâces par cette manifestation de piété.
Bref, pour en revenir au costume échancré des femmes crétoises, il semblerait donc que, des prêtresses, ce dernier ait finalement été adopté par toutes les femmes, soit par imitation, soit par signe de respect envers la Déesse, soit pour manifester avec plus de force encore la puissance nourricière des seins. La raison véritable (si tant est que les Crétois s’étaient souciés de la connaître) nous demeurera de toute façon inconnue.
Telle est du moins (agrémenté de mes réflexions) l’hypothèse que rapporte l’article wikipédia sur le costume minoen, et que j’ignorais jusque lors (pour ce qui est du passage Déesse > prêtresse > toutes les femmes)
Sur le sujet :
Brève introduction du site Mémo
Article du site Clio la Muse
Article wikipédia sur la civilisation minoenne
Ce n’était pas le choc du garçon qui se dit « ouah, elle a les seins nus ! », pas plus que celui de : « rinçons-nous l’œil en prétextant se cultiver ! ». Je ne sais d’ailleurs si ce fut dans ce dessin animé Il était une fois l’Homme, qui présentait les réalisations des Minoens : palais à plusieurs étages, bitume sur les rues, réseau d’eaux usées… Ou dans ce magnifique livre d’histoire illustré, offert par mes parents, et qui dévoilait donc cette Minoenne aux seins nus, et les splendides décors des palais qui surgirent dans l’île de Crète au début du deuxième millénaire avant notre ère.
En vérité, ce choc, ce fut d’abord une interrogation : de nos jours, lorsqu’une femme se dévêt, une des dernières parties de son corps qu’elle dissimule encore ce sont les seins. Il arrive aussi que, dans certaines populations dites « sauvages », ou encore dans l’Égypte antique qui ne l’était certainement pas, hommes et femmes se retrouvent quasiment nus ou presque, ce qui est généralement considéré comme une simple adaptation à la chaleur. En général, donc, lorsque les seins sont nus, c’est parce que la femme l’est aussi. Pourtant, les Crétoises minoennes étaient loin d’être dévêtues. Elles portaient une longue robe à volants, ainsi qu’un petit haut à manches courts, qui recouvrait tout le torse, sauf la poitrine. La question mystère était donc : pourquoi tout sauf la poitrine ?
Éliminons de prime abord les tentatives aussi désespérées que farfelues de réponses telles que : « les seins des Minoennes étaient trop gros, faisant ainsi sauter les attaches du bustier qui les enveloppaient ; pragmatiques, les Minoens décidèrent de laisser les amples poitrines s’épanouir au soleil, sans retenue », ou encore : « ayant poussé loin l’art médical empirique, les Minoens avaient observé que des femmes dont les seins profitent du bon air sont plus saines, et développent des enfants plus vigoureux », ce n’est pas cela non plus, bien que certains pourraient juger, dans une optique naturiste, que cette explication ne soit pas si farfelue que cela. Enfin, oublions le : « les Minoennes adoraient allaiter les enfants, cette vêture si particulière manifestait donc leur attachement à l’allaitement naturel ». C’est joli, c’est presque poétique, mais l’historien qui parviendrait à prouver cela n’est certainement pas encore né.
Néanmoins, cette dernière explication s’approche de ce qui constitua probablement la raison de ces seins libres d’exposer leur vénusté aux regards des dieux et des hommes. En effet, bien que certains semblent l’oublier dans notre civilisation si concupiscente, les seins ont pour fonction première d’allaiter. Ils expriment donc pleinement la fonction maternelle, protectrice et nourricière.
Or, ce que l’on sait de la religion minoenne (cela se réduit à peu de choses) nous indique que les déesses y occupaient une place prépondérante, laissant la portion congrue aux dieux. De fait, à cette lointaine époque, c’était l’ensemble du bassin égéen qui semblait se vouer au culte de la Grande Mère, que l’on nomme ainsi faute de connaître son nom exact. Mais peu importe en vérité. Son nom indique sa fonction première : elle est là pour protéger et nourrir ses enfants les humains. Dite aussi la Mère, ou la Grande Déesse ou la Déesse, ses seins ont donc vocation à manifester son pouvoir protecteur et nourricier. On retrouve d’ailleurs pleinement cette symbolique dans l’Artémis d’Éphèse, déesse polymaste (aux multiples seins), qui est l’héritière hellénisée de la Grande Mère asiatique (l’Asie désignant ici l’Asie Mineure).
Il est cependant encore un mystère de savoir si les Minoens adoraient une seule déesse, la Grande Déesse, dont les diverses représentations qui sont parvenues jusqu’à nous ne sont que des déclinaisons de ses pouvoirs (déesse de la fertilité, déesse des animaux sauvages, etc.) ou s’ils adoraient plusieurs déesses. Les deux systèmes pouvaient d’ailleurs se fondre : le peuple adorait plusieurs déesses, le clergé, plus « cultivé », aurait élaboré un système quasi-monothéiste (une seule Déesse qui se manifeste sous plusieurs formes) comme cela fut le cas en Égypte avec le système divin Amon-Ré-Ptah.
Quoiqu’il en soit, si cette Déesse avait les seins nus, c’était bien pour que, exposés à l’air libre, ils manifestent son pouvoir divin protecteur et nourricier. Il est même probable ou possible que le vêtement crétois, d’abord couvert au niveau de la poitrine, ait été spécialement découvert pour la Déesse, afin que cette source de fertilité ne soit pas voilée, ce qui aurait diminué sa puissance. De là, les prêtresses auraient ensuite adopté ce costume à l’exemple de la Déesse. Il ne s’agit pas d’une pure et bête imitation, ou d’un désir (mégalomane) de se prendre pour la Déesse, mais il faut savoir que prêtres et prêtresses n’ont pas pour seule fonction de prier les dieux. D’une certaine façon, par leurs nombreux actes rituels, ils ont aussi pour rôle d’interpréter la divinité (tel un rôle de théâtre, justement), de la « mimer ». En agissant ainsi ils font exister sa puissance divine dans notre monde profane (ou, exprimé différemment : ils attirent cette puissance sur ceux qui se livrent à ces actes mimétiques). Tel était le cas des prêtres égyptiens qui rejouaient la victoire d’Horus sur Seth, dans les temples d’Horus : en jouant chaque année une représentation de cette victoire du dieu royal par excellence, ils « réactivaient » sa puissance et sa bienfaisante énergie. Les représentations de la Passion du Christ (rappelons que « passion » vient d'un mot qui signifie douleur en grec) dans les pays chrétiens, n’ont, a priori, point cette fonction. Ils servent à l’édification des masses. Néanmoins, il est fort probable que, inconsciemment, nombre de participants y ressentent cette fonction qui consiste à renforcer la puissance divine bienfaisante en rejouant les actes fondateurs de son mythe, tout en s’attirant ses bonnes grâces par cette manifestation de piété.
Bref, pour en revenir au costume échancré des femmes crétoises, il semblerait donc que, des prêtresses, ce dernier ait finalement été adopté par toutes les femmes, soit par imitation, soit par signe de respect envers la Déesse, soit pour manifester avec plus de force encore la puissance nourricière des seins. La raison véritable (si tant est que les Crétois s’étaient souciés de la connaître) nous demeurera de toute façon inconnue.
Telle est du moins (agrémenté de mes réflexions) l’hypothèse que rapporte l’article wikipédia sur le costume minoen, et que j’ignorais jusque lors (pour ce qui est du passage Déesse > prêtresse > toutes les femmes)
Sur le sujet :
Brève introduction du site Mémo
Article du site Clio la Muse
Article wikipédia sur la civilisation minoenne
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