Prétendre connaître Cléopâtre sans savoir à quelle époque ni dans quel pays elle vécut, est bien sûr impossible. Néanmoins, si le mythe de Cléopâtre est puissant et que l’on ignore rarement qu’elle fut reine d’Égypte, que sait-on de plus ?
Parfois, l’on connaît le nom d’Alexandrie, la ville qui abritait le fameux phare, et la capitale de l’Égypte de Cléopâtre. C’est en effet dans cette cité mirifique qu’elle naquit, celle qui faillit bouleverser le sort de Rome. Cette ville qu’un certain Alexandre le Grand avait fondé trois siècles auparavant, alors qu’il était parti à la conquête de l’immense empire perse.
Sans Alexandre le Grand, en effet, point de Cléopâtre, et pas seulement parce qu’il fonda, non loin de l’embouchure du Nil, sur une langue de terre semi-désertique celle qui allait devenir une des plus célèbres villes de l’antiquité : Alexandrie d’Égypte. Cette ville qui allait porter haut le flambeau de la culture et du savoir, par la grâce de sa fameuse Bibliothèque. Cette ville qui devait incarner, parfois jusque dans ses excès, une certaine idée de la civilisation : raffinée, splendide, magnificente, et érudite.
Mais si Alexandre le Grand fut, d’une certaine manière, « indispensable » à la naissance du mythe de Cléopâtre, c’est aussi qu’il comptait, parmi ses compagnons, un certain Ptolémée (Ptolémaios, en grec). Après la mort du conquérant, ce Ptolémée, en tant que général d’Alexandre, parvint à mettre la main sur la riche Égypte, et à en faire son royaume. Ayant fait enlever le corps d’Alexandre qui devait revenir en Macédoine, son pays d’origine, Ptolémée lui fit élever un magnifique tombeau, qu’on appelait soma, où le corps embaumé du conquérant reposait dans un double sarcophage d’or et de cristal.
S’appuyant sur la richesse de son royaume d’Égypte, et de son habileté, Ptolémée premier du nom étendit considérablement son emprise, dominant Chypre, la Coélé-Syrie (Israël et Palestine actuels, plus sud du Liban), les côtes sud de l’Asie Mineure, et une partie de la mer Égée, à cela s’ajoutait la côte d’Afrique du Nord jusqu’en Cyrénaïque (en Libye actuelle). Un royaume puissant et prospère, donc, qui maintint son rang et sa splendeur durant le règne de ses successeurs immédiats, qui s’appelaient tous Ptolémée, se distinguant les uns des autres par des surnoms. Ce fut sous un de ces Ptolémées que fut créée la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, comme annexe du Musée : à l’origine un endroit où l’on accueillait les érudits, poètes et savants de l’époque, qui étaient logés et nourris au frais du royaume d’Égypte. La bibliothèque était destinée à leur usage, pour leurs travaux.
Mais, comme toute chose, la grandeur du royaume des Ptolémées ne devait avoir qu’un temps. Bientôt minée par des rois incapables, des intrigues de palais et des adversaires coriaces, la splendeur du royaume sombra petit à petit, ses provinces extérieures furent arrachées ou perdues, des révoltes éclatèrent en Haute-Égypte (Thébaïde).
Le royaume d’Égypte faillit même être annexé par les Séleucides, ennemis presque héréditaires des Ptolémées, et maîtres de la Syrie, de la Mésopotamie et d’une partie de l’Iran. Mais Rome, qui dominait déjà l’ensemble du bassin méditerranéen, intervint. La simple menace d’une intervention militaire romaine suffit à faire reculer le Séleucide, qui évacua l’Égypte.
Mais si l’Égypte avait été sauvée par Rome, ce ne fut que pour tomber, de plus en plus, sous la coupe de la Louve. Ainsi, cinq ou six ans avant la naissance de Cléopâtre, Rome décida d’annexer la Cyrénaïque, une des dernières possessions qui demeuraient au Ptolémée hors d’Égypte. Les Romains se basaient sur un testament, prétendument dicté par un précédent Ptolémée, dont ils ne purent cependant montrer la moindre copie authentique. Rome était cependant trop forte pour qu’on put lui résister, et le père de Cléopâtre, qui régnait alors sur l’Égypte, était un enfant illégitime du précédent roi, ce qui rendait ses prétentions au trône d’Égypte plutôt chancelantes. La Cyrénaïque fut donc perdue.
Néanmoins, le peuple d’Alexandrie, une cité essentiellement grecque, ne supportait guère l’humiliation que venaient d’infliger les Romains au royaume. Ils supportaient encore moins ce bâtard qui avait dû s’incliner devant ces Romains détestés.
Craignant sans doute pour sa vie, ou de voir son royaume annexé tout comme l’avait été la Cyrénaïque, Ptolémée Aulète, le père de Cléopâtre, entreprit alors une action plutôt étrange : il quitta Alexandrie sans fanfare ni trompettes, mais en laissant sa famille sur place.
Se produisit alors un drame qui devait peser sur la jeune Cléopâtre. Tout commença en fait par la décision des Alexandrins de se choisir un nouveau roi. Voyant que Ptolémée Aulète avait laissé sa famille dans la ville, ils proclamèrent reine sa fille aînée Bérénice (sœur aînée de Cléopâtre). La succession dynastique semblait ainsi sauve. Puis, ils décidèrent de lui trouver un roi. Ce devait être un aventurier qui se prétendait descendant des Séleucides.
Les deux régnèrent conjointement, apparemment à la plus grande satisfaction des Alexandrins. Mais, trois années après avoir quitté l’Égypte, Ptolémée Aulète revint dans son royaume escorté par les troupes du gouverneur romain de Syrie, Aulus Gabinius, qu’il avait soudoyé en lui promettant une immense fortune pour prix de son appui. Les troupes romaines vainquirent aisément les troupes égyptiennes conduites par l’époux de Bérénice, laquelle fut ensuite mise à mort sur l’ordre de son père.
La jeune Cléopâtre n’avait alors que quatorze ans. Un certain Marc Antoine commandait la cavalerie romaine. Il se peut fort qu’il ait croisé la jeune fille lors de ce premier séjour à Alexandrie.
Le gouverneur de Syrie s’en repartit cependant bien vite, laissant derrière lui quelques mercenaires à Ptolémée Aulète, qui devaient lui servir à conserver le trône contre sa propre population. Mais, quatre années plus tard, Ptolémée Aulète, douzième du nom, s’en allait à son tour rejoindre ses ancêtres.
Cléopâtre accédait alors au trône, mariée à l’un de ses frères, selon la coutume de la cour alexandrine, copiant l’antique modèle pharaonique.
Quel était alors l’état du royaume sur lequel elle co-régnait ? Ce dernier se résumait à l’Égypte, puisque Chypre avait été perdue sept ans plus tôt, annexée par Rome. La structure administrative était celle en vigueur depuis plus de deux millénaires : le pays se trouvait partagé en nomes, petites unités administratives, dirigées à l’époque par un stratège (un titre grec). Il existait une vingtaine de nomes pour la Haute-Égypte, autant pour la Basse, plus quelques nomes pour les oasis. L’Égypte comptait trois villes de statut grec : Alexandrie, Naucratis, et Ptolémaïs, en plein milieu de la Thébaïde. Les Grecs s’étaient cependant installés un peu partout dans le pays, conservant l’essentiel de leurs mœurs et coutumes, tout en adoptant les dieux égyptiens qu’ils mêlaient aux leurs. Le Fayoum, vaste cuvette, avait été mis en valeur par ces mêmes colons grecs, mêlés de Juifs et d’autres nationalités, qui s’étaient peu à peu hellénisées. Mais, trente ans avant l’accession de Cléopâtre au trône, le sud de l’Égypte avait été secoué par une rébellion contre la monarchie grecque. Cette partie du pays avait été ravagée (le temple de Karnak avait été partiellement incendié), et n’était pas encore pleinement remise. L’Égypte dont héritait Cléopâtre n’était donc qu’un royaume qui semblait achever de se décomposer, et ne conserver son indépendance que parce que les Romains voulaient bien la lui laisser.
De ce royaume, certes, Cléopâtre avait certainement déjà l’ambition d’en refaire une grande puissance. Cependant, avant cela, encore lui fallait-il gouverner réellement l’Égypte, dont elle partageait le trône avec son frère-époux, et le pouvoir avec les conseillers hérités de son père. Une tâche qui s’annonçait bien délicate...
Parfois, l’on connaît le nom d’Alexandrie, la ville qui abritait le fameux phare, et la capitale de l’Égypte de Cléopâtre. C’est en effet dans cette cité mirifique qu’elle naquit, celle qui faillit bouleverser le sort de Rome. Cette ville qu’un certain Alexandre le Grand avait fondé trois siècles auparavant, alors qu’il était parti à la conquête de l’immense empire perse.
Sans Alexandre le Grand, en effet, point de Cléopâtre, et pas seulement parce qu’il fonda, non loin de l’embouchure du Nil, sur une langue de terre semi-désertique celle qui allait devenir une des plus célèbres villes de l’antiquité : Alexandrie d’Égypte. Cette ville qui allait porter haut le flambeau de la culture et du savoir, par la grâce de sa fameuse Bibliothèque. Cette ville qui devait incarner, parfois jusque dans ses excès, une certaine idée de la civilisation : raffinée, splendide, magnificente, et érudite.
Mais si Alexandre le Grand fut, d’une certaine manière, « indispensable » à la naissance du mythe de Cléopâtre, c’est aussi qu’il comptait, parmi ses compagnons, un certain Ptolémée (Ptolémaios, en grec). Après la mort du conquérant, ce Ptolémée, en tant que général d’Alexandre, parvint à mettre la main sur la riche Égypte, et à en faire son royaume. Ayant fait enlever le corps d’Alexandre qui devait revenir en Macédoine, son pays d’origine, Ptolémée lui fit élever un magnifique tombeau, qu’on appelait soma, où le corps embaumé du conquérant reposait dans un double sarcophage d’or et de cristal.
S’appuyant sur la richesse de son royaume d’Égypte, et de son habileté, Ptolémée premier du nom étendit considérablement son emprise, dominant Chypre, la Coélé-Syrie (Israël et Palestine actuels, plus sud du Liban), les côtes sud de l’Asie Mineure, et une partie de la mer Égée, à cela s’ajoutait la côte d’Afrique du Nord jusqu’en Cyrénaïque (en Libye actuelle). Un royaume puissant et prospère, donc, qui maintint son rang et sa splendeur durant le règne de ses successeurs immédiats, qui s’appelaient tous Ptolémée, se distinguant les uns des autres par des surnoms. Ce fut sous un de ces Ptolémées que fut créée la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, comme annexe du Musée : à l’origine un endroit où l’on accueillait les érudits, poètes et savants de l’époque, qui étaient logés et nourris au frais du royaume d’Égypte. La bibliothèque était destinée à leur usage, pour leurs travaux.
Mais, comme toute chose, la grandeur du royaume des Ptolémées ne devait avoir qu’un temps. Bientôt minée par des rois incapables, des intrigues de palais et des adversaires coriaces, la splendeur du royaume sombra petit à petit, ses provinces extérieures furent arrachées ou perdues, des révoltes éclatèrent en Haute-Égypte (Thébaïde).
Le royaume d’Égypte faillit même être annexé par les Séleucides, ennemis presque héréditaires des Ptolémées, et maîtres de la Syrie, de la Mésopotamie et d’une partie de l’Iran. Mais Rome, qui dominait déjà l’ensemble du bassin méditerranéen, intervint. La simple menace d’une intervention militaire romaine suffit à faire reculer le Séleucide, qui évacua l’Égypte.
Mais si l’Égypte avait été sauvée par Rome, ce ne fut que pour tomber, de plus en plus, sous la coupe de la Louve. Ainsi, cinq ou six ans avant la naissance de Cléopâtre, Rome décida d’annexer la Cyrénaïque, une des dernières possessions qui demeuraient au Ptolémée hors d’Égypte. Les Romains se basaient sur un testament, prétendument dicté par un précédent Ptolémée, dont ils ne purent cependant montrer la moindre copie authentique. Rome était cependant trop forte pour qu’on put lui résister, et le père de Cléopâtre, qui régnait alors sur l’Égypte, était un enfant illégitime du précédent roi, ce qui rendait ses prétentions au trône d’Égypte plutôt chancelantes. La Cyrénaïque fut donc perdue.
Néanmoins, le peuple d’Alexandrie, une cité essentiellement grecque, ne supportait guère l’humiliation que venaient d’infliger les Romains au royaume. Ils supportaient encore moins ce bâtard qui avait dû s’incliner devant ces Romains détestés.
Craignant sans doute pour sa vie, ou de voir son royaume annexé tout comme l’avait été la Cyrénaïque, Ptolémée Aulète, le père de Cléopâtre, entreprit alors une action plutôt étrange : il quitta Alexandrie sans fanfare ni trompettes, mais en laissant sa famille sur place.
Se produisit alors un drame qui devait peser sur la jeune Cléopâtre. Tout commença en fait par la décision des Alexandrins de se choisir un nouveau roi. Voyant que Ptolémée Aulète avait laissé sa famille dans la ville, ils proclamèrent reine sa fille aînée Bérénice (sœur aînée de Cléopâtre). La succession dynastique semblait ainsi sauve. Puis, ils décidèrent de lui trouver un roi. Ce devait être un aventurier qui se prétendait descendant des Séleucides.
Les deux régnèrent conjointement, apparemment à la plus grande satisfaction des Alexandrins. Mais, trois années après avoir quitté l’Égypte, Ptolémée Aulète revint dans son royaume escorté par les troupes du gouverneur romain de Syrie, Aulus Gabinius, qu’il avait soudoyé en lui promettant une immense fortune pour prix de son appui. Les troupes romaines vainquirent aisément les troupes égyptiennes conduites par l’époux de Bérénice, laquelle fut ensuite mise à mort sur l’ordre de son père.
La jeune Cléopâtre n’avait alors que quatorze ans. Un certain Marc Antoine commandait la cavalerie romaine. Il se peut fort qu’il ait croisé la jeune fille lors de ce premier séjour à Alexandrie.
Le gouverneur de Syrie s’en repartit cependant bien vite, laissant derrière lui quelques mercenaires à Ptolémée Aulète, qui devaient lui servir à conserver le trône contre sa propre population. Mais, quatre années plus tard, Ptolémée Aulète, douzième du nom, s’en allait à son tour rejoindre ses ancêtres.
Cléopâtre accédait alors au trône, mariée à l’un de ses frères, selon la coutume de la cour alexandrine, copiant l’antique modèle pharaonique.
Quel était alors l’état du royaume sur lequel elle co-régnait ? Ce dernier se résumait à l’Égypte, puisque Chypre avait été perdue sept ans plus tôt, annexée par Rome. La structure administrative était celle en vigueur depuis plus de deux millénaires : le pays se trouvait partagé en nomes, petites unités administratives, dirigées à l’époque par un stratège (un titre grec). Il existait une vingtaine de nomes pour la Haute-Égypte, autant pour la Basse, plus quelques nomes pour les oasis. L’Égypte comptait trois villes de statut grec : Alexandrie, Naucratis, et Ptolémaïs, en plein milieu de la Thébaïde. Les Grecs s’étaient cependant installés un peu partout dans le pays, conservant l’essentiel de leurs mœurs et coutumes, tout en adoptant les dieux égyptiens qu’ils mêlaient aux leurs. Le Fayoum, vaste cuvette, avait été mis en valeur par ces mêmes colons grecs, mêlés de Juifs et d’autres nationalités, qui s’étaient peu à peu hellénisées. Mais, trente ans avant l’accession de Cléopâtre au trône, le sud de l’Égypte avait été secoué par une rébellion contre la monarchie grecque. Cette partie du pays avait été ravagée (le temple de Karnak avait été partiellement incendié), et n’était pas encore pleinement remise. L’Égypte dont héritait Cléopâtre n’était donc qu’un royaume qui semblait achever de se décomposer, et ne conserver son indépendance que parce que les Romains voulaient bien la lui laisser.
De ce royaume, certes, Cléopâtre avait certainement déjà l’ambition d’en refaire une grande puissance. Cependant, avant cela, encore lui fallait-il gouverner réellement l’Égypte, dont elle partageait le trône avec son frère-époux, et le pouvoir avec les conseillers hérités de son père. Une tâche qui s’annonçait bien délicate...
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